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jeudi 9 septembre 2010

La rentrée scolaire 2010/2011


Rentrée scolaire le 15 septembre 2010

Le ministère de l'Education a annonce que la rentrée scolaire
pour les élèves inscrits aux établissements éducatifs (public et privé)
interviendra le mercredi 15 septembre 2010. Et d'ajouter, dans un
communiqué publié, lundi, que les enseignants devront rejoindre
leurs écoles, le mardi 14 septembre 2010.
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mercredi 1 septembre 2010

L’enseignement des langues en Tunisie : Situation calamiteuse et des mesures prometteuses.

Le bilan des résultats de l’enseignement des langues en général (y compris notre langue maternelle, l’arabe) et des langues étrangères en particulier, et de la langue française plus particulièrement, suscite depuis des années (des dizaines d’années, j’allais dire) la déception, voire l’indignation généralisée. Certains éviteraient d’employer le terme de crise et se contenteraient, par euphémisme, de « malaise » ou de « marasme » tant le mot crise est lourd de signification et de conséquences. Une telle attitude, si prudente qu’elle paraisse, semble peu crédible si l’on voit de l’intérieur la situation jugée calamiteuse par un grand nombre d’actants dans le système de cet enseignement depuis l’école primaire jusqu'à l’université. N’est-il pas temps de parler de crise, dans tous le sens du mot, et donc de tirer la sonnette d’alarme avant qu’il ne soit trop tard ?

Les symptômes de la crise

Les symptômes de la crise sont désormais perceptibles à tous les niveaux. On est arrivé au point que l’élite des ressortissants de cet enseignement (les maîtrisards spécialistes) de ces dernières années et à qui on confie l’avenir de l’enseignement des langues dans le pays, sont eux-mêmes en difficulté –et non les moindres- en ce qui concerne la connaissance et la pratique de la langue de leur spécialité. Ils sont certes le produit d’un système qui souffre et ils ne peuvent qu’augmenter sa souffrance.

Il s’agit là d’un public placé au plus haut niveau (niveau C2 selon le Cadre Européen Commun de Référence –CECR-), alors que dire du public de bacheliers censés avoir un niveau intermédiaire avancé (Niveau B2) après avoir bénéficié d’au moins 1500 heures d’apprentissage (pour ne parler que de la langue française) avant de passer le bac, ou du public d’élèves censés avoir un niveau élémentaire (Niveau A1) après avoir bénéficié d’au moins 600 heures d’apprentissage du français avant de passer au collège ? Les notes qu’ils obtiennent dans les examens nationaux révèlent, sans aucun doute, un niveau alarmant, très en deçà du niveau préconisé.

Les symptômes de la crise ne s’arrêtent pas là. La plupart des jeunes diplômés tunisiens, toutes spécialités confondues, ne trouvent-ils pas de grosses difficultés à rédiger, en français ou en anglais ou même en arabe, un CV, ou une demande d’emploi, ou une simple lettre de motivation, sans laisser des fautes bizarres et déplorables ? A-t-on besoin d’autres raisons pour tirer la sonnette d’alarme afin d’arrêter le compte à rebours de l’enseignement des langues en Tunisie ?

Les raisons de la crise

Nombreuses et variées sont les causes de la crise de l’enseignement des langues en Tunisie. Ne citer qu’une cause où l’amplifier au détriment des autres serait de la myopie intellectuelle. Dissocier les causes, les appréhender sans se rendre compte de leur complémentarité, de leur interdépendance, serait une maladresse d’analyse fragmentaire. On peut certes les classer par domaine ou par ordre d’importance, mais il faudrait garder toujours présent dans l’esprit l’idée de concomitance de faits et d’effets. Tous les actants –directs ou indirects- dans le système éducatif ont leur lot de responsabilité. Je citerais en vrac quelques raisons et je laisserais au lecteur le soin de les classer et de les attribuer aux actants-responsables respectifs : programmes et manuels trop chargés et peu adaptés aux besoins réels des apprenants tunisiens, méthodes et approches pédagogiques instables, absence d’articulation entre les cycles d’enseignement, aspect trop contraignant du système d’évaluation au détriment de l’apprentissage, invasion de l’enseignement parallèle (cours privés) à des fins essentiellement lucratives, effet nocif des nouveaux modes de communication (sms, chats,…), présence très (trop) réduite du livre dans notre environnement socioculturel, formation initiale (pédagogique et scientifique) insuffisante des enseignants dont une bonne partie n’est pas spécialiste, surtout dans les écoles primaires …

Les séquelles de la crise

L’analyse des séquelles présentes et futures de la situation actuelle de l’enseignement des langues dans notre pays nous rendrait plus alarmiste. La langue n’étant pas uniquement un simple instrument de communication, sa non maîtrise (ou sa maîtrise partielle et approximative) empêche non seulement de réussir des actes de communication, mais également d’accéder à la culture de l’autre, à divers domaines scientifiques, à certaines formes de pensée, si ce n’est à toute forme de pensée. Si l’école tunisienne continue à « produire » des générations linguistiquement handicapées, contrairement aux finalités qui lui sont assignées et malgré les efforts et les sacrifices consenties, quel sort prépare-t-on pour la Tunisie ?

C’est là une question troublante pour tout citoyen soucieux de l’avenir de la patrie. Les hautes instances responsables du système éducatif ne sont pas restées les bras croisés. Le ministère de l’éducation a déjà entamé durant l’année écoulée plus d’une action et a ouvert plus d’un chantier en faveur de l’enseignement des langues. On ne fait que commencer mais il reste beaucoup à faire pour réhabiliter efficacement et durablement l’enseignement des langues à tous les niveaux.

Des solutions prometteuses

Le processus de rénovation et d’amélioration de la qualité de l’enseignement des langues fut réellement déclenché il y a plus d’un an par la création d’une commission nationale des langues constituée d’inspecteurs généraux et d’universitaires chargés d’étudier l’état des lieux et de chercher des solutions adéquates. Le rapport présenté par la dite commission contient un grand nombre de propositions judicieuses touchant presque tous les domaines : programme, manuels scolaires, approches pédagogiques, évaluation, formation et encadrement des enseignants, statut des langues dans les apprentissages … Des propositions parfois très ambitieuses, parfois très coûteuses, mais toujours prometteuses d’une nouvelle étape dans l’histoire de l’enseignement des langues dans notre pays. Certaines sont entrées en vigueur depuis l’année scolaire écoulée et commencent à donner leurs fruits (mise en place des espaces de ressources et de documentation, mise en place des laboratoires de langues et formation des enseignants à leur utilisation, organisation de sessions de formation spécialisée pour les instituteurs de français et d’anglais, n… ), d’autres verront le jour l’année prochaine, et d’autres encore, de plus grande envergure, ne peuvent (ne doivent) s’appliquer dans l’immédiat, et surtout pas dans la précipitation. Des mesures stratégiques qui visent plus loin et plus haut : Révision des programmes des langues et des manuels à tous les cycles , amélioration de la qualité de l’enseignement des langues afin de hisser notre système éducatif au niveau des standards internationaux, construction d’un cadre de référence tunisien pour l’enseignement des langues - à l’instar du CECR-, renforcement du lien entre les programmes scolaires et la vie professionnelle, harmonisation des démarches et des approches pédagogiques appliquées dans les différents cycles de l’enseignement, promotion de l’innovation pédagogique… Ces mesures et bien d’autres de valeur qualitative permettent enfin d’espérer le début de la fin d’une crise qui a trop duré.

L’espoir ne peut se réaliser sans la création d’une structure dotée des moyens et des prérogatives requis pour un si grand chantier, une structure chargée non seulement de redresser et de remettre sur la bonne voie le système de l’enseignement des langues dans notre pays mais aussi d’assurer le bon fonctionnement d’une politique linguistique stable et durable qui nous épargnerait une éventuelle nouvelle crise.

Cette structure fut enfin créée. Elle s’appelle le centre national des langues. Ce fut décidé et proclamé officiellement par le président de la république le 15 juillet 2010 (journée du savoir). Ses objectifs sont de « veiller à l'amélioration de la qualité des programmes et du contenu de la formation des enseignants des langues, à les mettre à niveau et les doter de la capacité de tirer profit des laboratoires des langues » afin de « de hisser notre système éducatif au niveau des standards internationaux».

C’est là une mesure urgente tant attendue pour réhabiliter enfin l’enseignement des langues en Tunisie. On ne peut que s’en réjouir mais sans trop d’optimisme. Attendons que le centre national des langues se mette en place dans le paysage éducatif tunisien et qu’il se montre à la hauteur des objectifs qui lui sont assignés.


MAATAR Abdellatif

Inspecteur des collèges et des lycées

Article publié dans le journal "Le Quotidien", 21 et 22 août 2010.